Longues et haletantes journées d'un hiver balbutiant, mornes et harassantes nuits d'un automne frémissant, les semaines se faisaient instables pour sa position, tout autour de lui semblait bancal mais il tenait la bride haute pour ne point laisser sombrer ces institutions qu'il chérissait. Pourtant... Pourtant si la passion de sa vie politique huilait l'essieu de son carrosse, il manquait le cocher qui dirige le cheval. Depuis sa Nara il n'était plus le même, le Panassac était pantois d'incompréhension de son monde, vidé de la chaleur de l'amour qu'elle lui portait pourtant, l'esclandre sentimentale l'avait poussé aux limites du supportable.
Du marasme anthropiques aux engeances politiques de son comté, le coeur à l'amende en sus d'un corps exalté, il prit son courage sous son turban et donna quelques ordres à son écuyer. Il irait là haut en Berry, devant son oncle le Duc d'Aigurande, Vicomte de Saint Chartier, Baron de Nohan Vic, le Grand Duc du Berry... Bravoure démesurée ou formidable insouciance son parti était pris, il lui fallait prendre au plus tôt la route du Domaine d'Aigurande où séjournait le Duc.
Couvrant ses habituels habits rougeoyants d'une longue pèlerine en poils de bouquetins, troquant son habituel cheval pour un des puissants étalons gardés dans les écuries de la chancellerie, il fit atteler le cheval avec les discrètes couleurs de sa seigneurie et du Comté d'Armagnac auquel il faisait allégeance. Il ferait le voyage seul, il devait prouver sa valeur en traversant les vastes terres sans compagnie aucune afin que le Duc voit en lui l'honneur qui était sien.
Ce trajet il l'avait fait à pied bien des mois auparavant, bifurquant vers les Bourgognes au dernier moment. Aujourd'hui le Berry pointait l'ombre de ses forêts par delà le crépuscule qui déjà laissait monter une ronde lune. Il se présenta haut et fier à l'entrée du Domaine. Il avait mis pied à terre, prit soin de remettre en place son turban et d'accrocher sa pèlerine à la selle de son cheval. Le rouge paraissait bien incongru en si grand domaine de verdure, mais au moins était il sur de ne pas passer inaperçu et que son appel se pourrait être entendu. Il s'avança vers la garde.
"_ Nous sommes Theophane de Varenne, Seigneur de Panassac et Chancelier des terres lointains d'Armagnac et de Comminges. Nous venons demander audience privée près de sa Grandeur le Duc Georges le Poilu, Du d'Aigurande, Vicomte de Saint Chartier et Baron de Nohan Vic. Puissiez vous porter notre requête près de sa Grandeur et qu'il nous fut permis de nous entretenir avec lui."
Il attendit que l'on lui accordât le droit de pénétrer en le domaine du Castel et qu'il lui fut permis de rencontrer le Duc. Il se tenait debout près de sa monture, la main à la bride, ne formant plus qu'un corps inerte de calme et de respect avec elle, la droiture imposée par sa démarche le rendait fier, fier d'enfin accomplir ce qu'il aurait du faire depuis déjà bien longtemps.